{REX} Comment Air Liquide Santé France a accompagné le CHU de Toulouse dans une nouvelle gestion du Protoxyde d’Azote (N2O) ?

Published on mai 01, 2025

9 minutes

Air Liquide Santé France a organisé son premier webinaire sur la décarbonation des gaz médicaux le 2 avril dernier. Cet événement s'inscrit dans notre toute nouvelle série de prises de paroles Always Share, centrées sur des sujets qui secouent le secteur de la santé. Ces rencontres portent notre ambition Always There, marquée notamment par notre objectif de neutralité carbone d'ici 2050.

À cette occasion, nous avons échangé avec deux spécialistes d'établissements hospitaliers sur leur retour d’expérience suite à un pilote lancé au CHU de Toulouse. Le sujet principal était de répondre à la problématique du protoxyde d’azote, principal émetteur de gaz à effet de serre du centre hospitalier. Découvrez ici quelle solution a été mise en place afin de réduire l'empreinte carbone du N2O dans l’hôpital.

Ca m'intéresse

Le protoxyde d’azote, un  gaz à effet de serre (GES)

Le protoxyde d’azote apparaît comme le principal poste d’émission de GES (Gaz à Effet de Serre). D’une part parce qu’il a un potentiel de réchauffement global 273 fois supérieur à celui du CO2 et agit sur la couche d’ozone. D’autre part,  la distribution du gaz dans l'hôpital est réalisée via des réseaux de distribution. Réduire les émissions liées au N2O constitue une étape clé dans la réduction des émissions des GES liés aux gaz médicinaux. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la loi énergie climat. La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, en divisant par 6 ses émissions de GES2.

Quel est l’usage du N2O aujourd’hui ?

Le protoxyde d’azote est utilisé à l’hôpital dans les blocs opératoires notamment pédiatriques, principalement dans deux contextes : 

  1. En anesthésie générale, comme adjuvant en association avec d’autres agents d’anesthésie; 
  2. En tant qu'adjuvant de l'analgésie au bloc opératoire ou en salle de travail3.

En pratique, le N2O est distribué dans les hôpitaux presque exclusivement par un réseau dédié, avec des prises murales dans les services (comme pour l’oxygène médicinal).

Simulation du bilan carbone des gaz médicaments sur un hôpital de 500 lits

Au global sur un peu plus de 200 000m3 de gaz représentant 402 tonnes équivalent CO2, le N2O représente 0,3% des volumes mais 75% de l’empreinte carbone des gaz médicaux. 

L’oxygène liquide correspond à la majorité des volumes mais représente 17% des émissions de gaz à effet serre. Le principal impact étant le facteur d’émission de l'électricité utilisée pour produire l’oxygène, une électricité 100% renouvelable peut par exemple faire baisser au delà de 70% ce poste d’émission et c’est de plus en plus mis en oeuvre actuellement au travers de politique d’achat d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable. 

Le MEOPA (Mélange équimolaire Oxygène Protoxyde d’azote) et l’oxygène médicinal en bouteille ne représentent quant à eux, qu’ une part beaucoup plus faible de volume et aussi des émissions, là encore un certain nombre d’actions afin de baisser les facteurs d’émissions ou de rationaliser  leur utilisation peuvent être mis en œuvre. 

(Il s’agit ici d’un exemple de calcul basé sur des facteurs d’émissions mondiaux pour le N2O et le kalinox et Européen pour l’oxygène, notamment l’oxygène médical calculé à partir d’une analyse de cycle de vie.)

Les achats de médicaments dans l’empreinte carbone de l’hôpital

D’après les données du rapport du Shift Project, publié en 2023, la santé représente 8 % des émissions de GES pour un total de 100 000 tonnes d’équivalents CO2, dont 38 % liés aux établissements de santé (hôpitaux, cliniques). Le plus gros poste d’émission sont les achats de médicaments, dont les gaz médicaux, qui représentent à eux seuls 29 % des émissions de l’hôpital1.

L’ambition Always There d’Air Liquide Santé France

L'ambition Always There portée par Air Liquide Santé France place la décarbonation du système de santé au cœur de sa stratégie, selon trois axes majeurs : 

  1. Assurer la continuité de l’approvisionnement ;
  2. Simplifier l’utilisation et la gestion des gaz médicaux ;
  3. Atteindre la neutralité carbone de la filière des gaz médicaments. 

C’est sur ce troisième axe que s’inscrit la volonté d'accompagner les établissements de santé dans la réduction des GES émis par les gaz médicaux, et notamment ceux émis par le N2O.

 

L’arrêt des cadres et grandes bouteilles de N2O

Air Liquide Santé France s’est fixé l’objectif d’arrêter la commercialisation des cadres et des grandes bouteilles alimentant les réseaux muraux de distribution de protoxyde d’azote d'ici la fin de l'année 2026. Trois actions prioritaires ont été définies pour y parvenir : 

  1. Approcher les 10 plus importants consommateurs de N2O en réseau pour établir un planning d’arrêt ;
  2. Proposer une solution clé en main pour une installation rapide et fiable, comme dans l’expérience menée par le CHU de Toulouse
  3. Procéder à l’arrêt des réapprovisionnements, puis au démantèlement des centrales d’alimentation pour les établissements faisant ce choix.
Et après ?

Vers la fin des réseaux de distribution de N2O pour des raisons environnementales4

La Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) plaide pour un arrêt définitif de l’utilisation des réseaux de N2O, associés à d’importantes fuites de gaz. Malgré des recommandations qui visent à restreindre les indications du protoxyde d’azote, plusieurs centaines de réseaux sont toujours actifs avec une émission associée estimée à plus de 100 000 tonnes d’équivalents CO2 par, soit l’équivalent d’un trajet de plus de 500 millions de kms en voiture. Sur ces émissions de GES, seulement 20 % seraient liées réellement à l’usage thérapeutique du gaz. La SFAR appelle tous les acteurs à se mobiliser pour développer des solutions alternatives et ainsi réduire de plus de 80 %  les émissions de GES liées au N2O en stoppant les réseaux muraux. 

Le lancement de pilotes au sein d’établissements de santé

Air Liquide Santé France s'associe aux recommandations de la SFAR en participant à l'impulsion de ces initiatives au sein des établissements de santé partenaires. Parmi eux, le CHU de Toulouse.

Rationaliser l’utilisation du protoxyde d’azote

La première initiative consiste à rationaliser l’utilisation du N2O. Il n’est désormais plus utilisé de manière courante pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie générale. Ses utilisations en anesthésie analgésique sont limitées à certains gestes invasifs et/ou douloureux en pédiatrie. 

Arrêter les réseaux muraux de N2O

La seconde initiative passe par l’affranchissement des réseaux muraux de N2O. Selon les études, le taux de gaspillage moyen de N2O dans les réseaux muraux est évalué entre 93 et 95 %. Le basculement sur des petites bouteilles mobiles apparaît comme une solution intéressante pour réduire les émissions de GES, tout en préservant l’usage clinique de ce gaz. 

Le retour d’expérience du CHU de Toulouse sur le passage en petites bouteilles de protoxyde d’azote

Un essai pilote a été mené dans certains blocs pédiatriques du CHU de Toulouse sur le remplacement de l’alimentation via un du réseau et prises murales par des petites bouteilles N2O. L’objectif de ce pilote était de confirmer l’hypothèse de réduction de volumes de NO2 réellement administrés.

Delphine Marcon (IADE, cadre de santé au bloc pédiatrique du CHU de Toulouse), Dr. François Delort (Médecin anesthésiste-réanimateur au bloc pédiatrique du CHU de Toulouse) se sont entretenus avec Jean-Christophe Poirier (Pharmacien Responsable, Directeur Sécurité, Qualité et RSE, Air Liquide Santé France) et Nicolas Boucheny : (Responsable projets développement durable, Air Liquide Healthcare) autour d’une table ronde pour discuter de leur retour d’expérience de ce pilote.

Quelles ont été les grandes étapes de ce pilote ?

Voici ci-dessous les étapes et points d’attention à retenir pour mettre en place cette solution.

La logistique

Une nouvelle logistique a été nécessaire pour l'approvisionnement des bouteilles. Des solutions techniques ont été développées en collaboration avec Air Liquide Santé France, à la fois pour leur raccordement (branchement direct sur le respirateur) et pour leur sécurisation (fixation au mur, utilisation des supports des bouteilles). 

Les moyens humains

Un groupe de travail composé des différents métiers (infirmiers (ères),  anesthésistes, pharmaciens, service biomédical)... a été constitué pour définir les modalités d’utilisation des petites bouteilles, puis former l’ensemble des personnels au montage et démontage du manodétendeur spécifique pour raccorder les petites bouteilles de 5L, puis au maniement de ces petites bouteilles lors des interventions. 

Une série de tests a été mise en place

Différents tests ont ensuite été effectués pour sécuriser leur utilisation  : 

  • Le contrôle de la pression de sortie du gaz au niveau du respirateur ; 
  • Simulation d’un arrêt d’alimentation de N2O  au niveau du respirateur. La définition de la pression minimale pour de changer la bouteille : à la différence des bouteilles d’oxygène, les bouteilles de protoxyde d’azote renferment un mélange liquide/gaz. Une pression de 44 bars reste la pression mesurée tant que la phase liquide est présente dans la bouteille. Elle chute rapidement lorsque seule la phase gazeuse est présente. A 20 bars, il reste environ 20 minutes d’utilisation et il faut donc envisager de changer la bouteille avant la prochaine intervention.
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Dans le cadre de son ambition Always There, Air Liquide Healthcare a développé la solution Eco Origin. Elle consiste à fournir des gaz médicaux à faible empreinte carbone. Pour le protoxyde d’azote, cela revient à substituer au réseau de distribution des petites bouteilles mobiles, de contenance 5 ou 15 litres.

Une réduction forte de l'empreinte carbone du N2O grâce à cette solution

Les résultats des GES

Le passage aux petites bouteilles de N2O a permis au bloc pédiatrique du CHU de Toulouse de réduire fortement les pertes de gaz et donc l’empreinte carbone associée. D’après les estimations effectuées dans le service, en comparant avec les précédentes commandes de gaz pour alimenter le réseau , les petites bouteilles permettent d’économiser 91 % de N2O. Des chiffres cohérents avec les études menées préalablement. 

Les émissions annuelles de GES liées au protoxyde d’azote passent ainsi de 344 tonnes d’équivalent CO2 par an à 30, et uniquement pour le bloc de pédiatrie.

Un arrêt du réseau de distribution de  N2O envisagée pour la fin de l’année 2025 au CHU de Toulouse

Face à ces résultats très encourageants, le CHU de Toulouse s’est engagé à arrêter le réseau mural de N2O d’ici la fin de l’année 2025. Les différents services du CHU vont progressivement s’équiper de manodétendeurs pour les petites bouteilles et se former à leur maniement. Côté Air liquide Santé France, nous stopperons les réapprovisionnements des centrales en N2O, dès que l’établissement de santé prend la décision d’arrêter les réseaux muraux (via la commission des fluides).

D’autres pilotes sont en cours

Le CHU de Toulouse n’est pas le seul établissement engagé dans cette voie. D’autres essais pilotes sont actuellement menés en France, à des stades plus ou moins avancés. Mais un grand nombre d’établissements hospitaliers continuent à utiliser le réseau de distribution de N2O. Pour chaque projet, une évaluation précise des besoins est effectuée en amont et nous accompagnons les équipes tout au long de la transition vers les petites bouteilles jusqu’à l’arrêt du réseau et au démantèlement de la centrale d’approvisionnement. Pour aller encore plus loin, Air Liquide Santé France mène une étude technique pour récupérer et détruire - par traitement thermique - le N2O résiduel contenu dans les petites bouteilles, avec l’objectif final de réduire au maximum les émissions de GES liées à ce gaz médicament.

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Décarbonation & gaz médicaux - focus N2O : le replay

Références
1The Shift Project. Décarboner la santé pour soigner durablement. Rapport final V2. Avril 2023.
2Ministère de la transition Ecologique et SolidaireLes engagements de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Avril 2019. 
3VIDAL Substance active protoxyde d’azote. Consulté le 9 avril 2025.  
4SFAR La SFAR appelle à l’arrêt définitif de l’utilisation des réseaux de N2O en arrêtant leur approvisionnement. 11 juillet 2024.  

Jean-Christophe Poirier

Pharmacien Responsable, Directeur Sécurité, Qualité et RSE, Air Liquide Santé France