Retour sur l’histoire des gaz à usage médical

Aujourd’hui, les gaz utilisés dans le domaine de la santé sont répartis en plusieurs catégories^1,2,3 : 

• Les gaz ayant un statut de médicament (les gaz médicinaux), comme l’oxygène ou le protoxyde d’azote ; 
• Les gaz ayant un statut de dispositif médical (les gaz médicaux), tels que l’argon ou le dioxyde de carbone pour coelioscopie ;
• Les gaz utilisés pour le diagnostic in vitro, comme les gaz du sang ou les gaz de culture cellulaire ;
• Les gaz matières premières à usage pharmaceutique, avec l’azote notamment.

Les gaz à usage médical* désignent essentiellement les gaz médicinaux et les gaz dispositifs médicaux. Tous ces gaz ont connu une plus ou moins longue histoire^1,2.  Revenons ensemble un peu en arrière.

Le premier gaz à usage médical 

L’oxygène a été le premier gaz à usage médical, dont les usages thérapeutiques remontent au XIXème siècle. Au VIème siècle avant JC, des savants évoquent déjà le pouvoir du vent et de l’air sur la santé. Pourtant, ils ne savent pas encore ce qu’est précisément un gaz. Au fil des siècles, la découverte des phénomènes liés à la respiration va leur permettre de comprendre le rôle et l’importance des gaz présents dans l’air ambiant, en particulier l’oxygène. 

L’inscription de l’oxygène à la Pharmacopée* française date de 1837. C’est le point de départ de l’oxygénothérapie, une thérapie encore aujourd’hui incontournable pour des milliers de patients^4,5.

En 1932, apparaissent en France les premières installations de distribution de l’oxygène médical dans les salles de soins et les blocs opératoires. Des installations qui seront généralisées à l’ensemble du territoire français dans les années 1950 et 1960⁴.

L’histoire des gaz à usage médical est étroitement liée à l’histoire des sciences.

Leur développement requiert des connaissances solides en chimie et en physique pour : 

• Identifier le gaz d’intérêt ;
• Isoler et purifier le gaz ;
• Conditionner et stocker ce gaz pour un usage médical^4,5.

Les caractéristiques particulières des gaz les ont longtemps rendus inaccessibles pour les chercheurs et les premières découvertes ont souvent été faites de manière indirecte. Il a fallu attendre les avancées de la chimie et de la physique pour comprendre ces composés particuliers et réussir à les appréhender pour les utiliser dans le domaine médical^4,5.

Ȧ partir de 1992, la réglementation appliquée aux industries pharmaceutiques s’est appliquée à l’industrie des gaz à usage médical. Néanmoins, l’usage des gaz médicaux reste associé à un ensemble de normes et de réglementations particulières liées à la nature même de ces gaz^3,4,5,6 : 

Leurs exigences en matière de purification, 

• De stockage, 
• De transport, 
• Et de distribution.

Les premières AMM* obtenues pour des gaz médicaux

Six gaz sont inscrits au sein de la 4ème édition de La Pharmacopée Européenne qui a depuis remplacé la Pharmacopée française : 

• L’azote ;
• Le protoxyde d’azote ;
• L’air médicinal ;
• Le dioxyde de carbone ;
• L’oxygène ;
• Le monoxyde d’azote^3,4.

Des gaz purs aux mélanges de gaz

Aujourd’hui, les gaz à usage médical regroupent des gaz purs - comme l’oxygène - et des mélanges de gaz - comme le MEOPA, qui est un mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote. Historiquement, les savants ont cherché à isoler et donc à purifier chaque gaz pour comprendre son intérêt thérapeutique. Les gaz purs ont ainsi été utilisés en premier. Puis, les chercheurs ont tenté d’associer les gaz entre eux pour de nouvelles applications médicales. Les mélanges de gaz sont apparus dans un second temps^3,6.

La technologie au service des gaz médicaux 

Parler de l’histoire des gaz médicaux est indissociable de l’histoire des technologies associées. Les gaz sont par définition impalpables. Pour les découvrir, les comprendre, les étudier, puis les utiliser, les chercheurs ont dû travailler main dans la main avec les ingénieurs pour concevoir des dispositifs de conditionnement, de stockage et de distribution spécifiques³. 

Les réseaux de fluides médicaux, les différentes catégories de bouteilles, les systèmes d’administration, … tous ces développements technologiques sont intimement liés à l’histoire des gaz à usage médical³.

Le MEOPA, une histoire qui remonte au XVIIIème siècle

C’est d’abord les propriétés du protoxyde d’azote qui sont découvertes par Davy en 1779, le premier homme à avoir inhalé ce gaz. Il faudra ensuite quelques décennies pour que les savants comprennent l’intérêt d’associer l’oxygène au protoxyde d’azote⁶. Le MEOPA est utilisé pour ses propriétés contre la douleur (antalgiques) et sa capacité à calmer les patients (sédative)depuis la fin du XVIIIème siècle.

En 1850, il est utilisé dans les blocs opératoires pour réaliser l’inhalation d’éther ou de chloroforme dans les premiers protocoles d’anesthésie générale⁶. Dès 1950, il commence à être utilisé en routine par les chirurgiens-dentistes américains pour faciliter les soins dentaires chez les enfants et les adultes. Puis successivement le MEOPA est utilisé avec succès pour⁶ : 

• Soulager les douleurs de l’accouchement (dans les années 1960 au Royaume-Uni) 
• Effectuer les premiers secours en dehors de l’hôpital (dans les années 1970 toujours au Royaume-Uni)
• Réaliser les ponctions lombaires* et les myélogrammes* chez les enfants (dans les années 1980 en France).

Le MEOPA au XXIème siècle

Il faudra attendre 2001 pour que le MEOPA obtienne sa première AMM* et donc un statut de médicament. Jusqu’en 2009, le MEOPA était réservé en France à un usage hospitalier. Il est désormais considéré comme le produit de référence pour les actes et les soins douloureux notamment chez l’enfant. Depuis 1996, il est également utilisé dans certains protocoles d’hospitalisation à domicile (patients malades du SIDA avec des ulcérations cutanées douloureuses de syndrome de Kaposi, patients âgés porteurs d’ulcères cutanés ou d’escarres) dans le but de soulager les douleurs légères à modérées⁶.

Aujourd’hui, le MEOPA est indiqué en ville comme à l’hôpital entre autres pour atténuer la douleur de certains soins. Son usage reste moins répandu en France que dans d'autres pays, où il est couramment utilisé dans les services d’urgence et les cabinets dentaires, mais aussi dans les cabinets de dermatologie ou de gynécologie⁶.

Quelles perspectives pour les gaz médicaux ?

La recherche et l’innovation se poursuivent dans le monde des gaz médicaux. De l’oxygène au MEOPA, l’histoire des gaz à usage médical s’est écrite au fil des siècles, à la croisée des chemins entre la biologie, la chimie et la physique. 

Au-delà de leurs vertus thérapeutiques, les gaz à usage médical ont une histoire étroitement liée à l’essor des technologies nécessaires à leur purification, leur conditionnement et leur distribution. Une histoire qui continue de s’écrire au fil des années et des découvertes.